
Chaque mois, SISTA organise des “Inclusive Hour”. L’objectif ? Permettre aux entrepreneures que nous accompagnons de rencontrer des investisseur·es et aborder des thématiques avec des expert·es autour des femmes dans la tech et du financement. La première de l’année a eu lieu en Janvier avec notre Investor Ally, Crédit Mutuel Arkéa sur un thème clef : le conseil d’administration.
De quoi s’agit-il concrètement ? Quelles sont les bonnes pratiques pour constituer un conseil d’administration sain, au service de l’entreprise et de sa performance ? Quels rituels et processus mettre en place pour que tout se passe au mieux ? Comment gérer les désaccords sans mettre en danger la start-up ?
Willy Braun, general partner du Galion.exe a posé ces questions aux expert·es Vincent Picarello, directeur de participations d’Arkéa Capital, Anne-Claude Pont, administratrice indépendante, et Sébastien d’Ornano, président et cofondateur de Yomoni. On vous partage leurs retours d’expérience.
En quoi consiste un conseil d’administration et quel est son rôle concrètement ?
Sur ce point, les différent·es intervenant·es se rejoignent : le conseil d’administration (également appelé “advisory board”) est un lieu d’échanges et de réflexion stratégique. Il est à ne pas confondre avec le COMEX (Comité exécutif : une instance de gouvernance en charge des décisions stratégiques & opérationnelles qui s’appuie sur les recommandations de l’Advisory Board) et le CODIR (Comité de direction : également parfois appelé “board” : un organe de collaboration et de débats qui permet au COMEX de valider certaines décisions).
“L’advisory board est d’abord une entité qui fait le lien entre les actionnaires et l’équipe dirigeante/ l’entrepreneur·e. C’est donc à la fois un espace de reporting, de pouvoir mais aussi de projection. C’est un organe qui va grossir dans le temps, d’abord des actionnaires puis au fur et à mesure également des administrateur·trices indépendant·es. L’entrepreneur·e y partage des informations sur la société, sa situation, ses résultats et en découle des discussions autour des choix stratégiques de l’entreprise. Pour l’entrepreneur·e, l’objectif est d’obtenir des retours d’expérience ou des suggestions de la part du board pour finalement trancher ensemble sur un axe à sélectionner” démarre Sébastien d’Ornano.
“En tant qu’investisseur·e, on voit souvent le conseil d’administration comme un organe collégial qui doit savoir s’interposer entre le·la dirigeant·e qui, statutairement, peut engager la société et a tout pouvoir et l’assemblée générale qui, elle, se réunit une fois par an et va avoir une vision “rétroviseur” pour valider les comptes et affecter le résultat” souligne Vincent Picarello.
Quels sont les sujets abordés par le conseil d’administration ?
Tout dépend du stade d’avancement de la startup. Par exemple, au tout début “c’est surtout du Business plan dont on discute – c’est un lieu d’échange et de confrontation pour bâtir des projections. Les membres sont un peu comme des sparring partners pour les entrepreneur·es. Ils vont venir essayer de poser les bonnes questions et de donner éventuellement leur réponse. Ils vont mettre en perspective la vision. Parce que, souvent, on peut ne pas imaginer un certain nombre de choses quand on est fondateur·trice. Tout cela permet de faire un liant et d’aboutir à des décisions plus alignées” témoigne le fondateur de Yomoni.
Globalement, les discussions s’orientent toujours sur la pérennité de la société. “L’advisory board est là pour prendre les décisions qui concernent la viabilité du projet : opération de croissance externe, aller sur un nouveau marché, se diversifier, faire des investissements importants, licencier un·e cadre clé… Discuter de tous ces sujets va permettre d’avoir une vision plus collégiale” précise Vincent Picarello.
Même son de cloche du côté d’Anne-Claude : “En ce sens, le conseil d’administration est là pour préserver les intérêts de l’entreprise mais également ceux de toutes les parties prenantes.”
Quelles sont les bonnes pratiques pour composer son conseil d’administration ?
Leur recommandation : le composer en ayant à la fois des actionnaires et des administrateur·trices indépendant·es (qui auront un regard plus neutre).
“Bien choisir les personnes réunies autour de la table est important pour avoir une bonne dynamique. Trouvez des gens qui vous apportent des choses complémentaires, que ce soit en termes de mixité, de diversité, d’expériences, de compétences. Aussi, choisissez des personnes qui sont disponibles” recommande Anne-Claude Pont.
“Au début, ce sera plutôt vos investisseur·es qui ont intérêt à être là. Mais ensuite, avoir un indépendant·e va vous apporter de la neutralité. En effet, pour lui·elle, l’intérêt de la société passe avant tout. Donc c’est quelqu’un qui va être amené à se positionner ou à challenger dans cette perspective là. S’il y a des conflits actionnaires / fondateur·trices, l’indépendant·e va aider à trouver des compromis, va être force de proposition et sans arrière pensée” poursuit-elle.
Une fois composé, il faut définir des règles de fonctionnement (statuts, pacte d’actionnaires) pour que tout se passe au mieux. Quels sont vos conseils sur ce point ?
Pour Sébastien d’Ornano, “le pacte d’actionnaires, c’est les règles du jeu. Il ne faut pas sous-estimer son importance. C’est comme tout. Quand tout se passe bien et que tout le monde est aligné, il n’y a pas de sujet. Mais dès qu’il commence à y avoir des divergences, on va rapidement aller chercher des clauses pour s’assurer de qui a le droit de faire quoi. Donc soyez vigilant·e sur sa rédaction. Sachez qu’il y a plein de modèles en ligne qui peuvent vous aider et qui sont de très bonne qualité, très équilibrés.”
“Comme le souligne Sébastien, on voit d’ailleurs l’importance de ces clauses lorsque dans le tour arrive leur négociation. À vous de bien de bien négocier avec vos investisseur·es pour savoir ce qui est de votre ressort et ce qui doit être validé par le board afin de ne pas tomber dans une forme de micro management” ajoute Anne-Claude Pont.
“En fait, dans le pacte, il y a trois sujets : celui de la gouvernance (comment vous allez interagir au quotidien avec votre board), celui concernant ce que vous pouvez faire de vos actions et celui de la sortie (dans quelles conditions les investisseur·es peuvent sortir). Il peut arriver que le sujet de la gouvernance ne soit pas regardé en détail, parce que l’on s’est focalisé sur la valorisation et sur la dilution. On passe alors à côté de choses vraiment fondamentales. Prenez le temps de bien regarder les clauses au fond de la gouvernance” insiste Vincent Picarello.
Et au quotidien, quels sont vos conseils pour un bon déroulement ?
Là aussi, les 3 sont unanimes : la préparation des réunions est essentielle.
“Un board bien préparé par le·la président·e avec un ordre du jour et des documents partagés à l’avance, c’est ce qui va permettre d’amener le bon niveau d’échanges (projection et stratégie versus seulement un reporting financier). Préparer est une forme de respect et surtout ça rend les discussions beaucoup plus pertinentes ensuite” partage Anne-Claude Pont.
Et sur ce point, Sébastien d’Ornano s’aligne également : “C’est important d’avoir ce dialogue de manière un peu continue, d’informer au fil de l’eau (sans se mettre une pression pour que ce soit toutes les semaines). Comme ça quand il y a une décision à prendre elle est déjà quasiment prise. C’est un bon moyen d’embarquer tout le monde dans l’histoire et de leur faire vivre les enjeux que vous avez pour qu’ils·elles aient envie de contribuer et non pas juste d’être “représentant·e”. De cette manière, vous construisez une vraie relation.”
Enfin 2 derniers conseils pour la route pour vous assurer un conseil d’administration efficace et percutant :
- Chronométrez et distribuez la parole pour éviter qu’un·e membre du conseil d’administration prenne une place prépondérante.
- Récoltez les retours des membres après chaque échange pour améliorer les processus en continu.