7 conseils d’entrepreneures pour réussir sa levée de fonds

Elles, ce sont Christelle Curcio, fondatrice d’Alegria.group, Léonie de Verdelhan, fondatrice de JeudiMerci, Camille Le Gal, fondatrice de Fairly Made et Jessie Toulcanon, fondatrice de Pickme. Et elles viennent toutes les quatre de boucler des levées de fonds entre 3 et 5M€ afin de développer leurs projets respectifs. Fortes de leurs expériences, elles vous livrent leurs précieux conseils pour réussir un tour de table.

Conseil n°1 : Anticipez vos besoins et analysez le contexte socio-économique du moment

Je pense qu’il y a une question de timing et aussi d’envie. Le “bon moment”, c’est quand l’entreprise a une traction forte et qu’elle peut atteindre des objectifs ambitieux. Ensuite, selon moi, il y a également le timing à titre perso : c’est-à-dire le moment où tu as vraiment envie d’aller donner une autre dimension à ton projet. Ça c’est valable surtout pour les premières levées de fonds. Ensuite pour les suivantes, il faut anticiper au maximum. Selon moi, il faut commencer à y réfléchir 10-12 mois avant le moment où on sait qu’il n’y a “plus de cash” car les processus bancaires et autres peuvent être longs en fin de levée de fonds” commence Léonie.

Du côté de Christelle, le point de départ est l’analyse de l’environnement socio économique du moment : “il me semble essentiel de comprendre quelles sont les tendances à venir sur les prochains mois et d’avoir en tête ce qu’il s’est passé avant (par exemple les valorisations précédentes etc) pour estimer le montant possible à aller chercher. N’hésitez pas à appeler d’autres entrepreneur·es pour voir comment ils·elles se positionnent”.

Pour estimer le montant à aller chercher, tout dépend de la typologie de l’entreprise. Globalement, je conseille de prendre vos objectifs à 3-5 ans avec le meilleur budget pour y arriver et de cette manière vous obtenez une estimation. Je vois beaucoup d’entrepreneur·es qui se disent qu’ils vont lever moins par rapport au contexte. Mais gardez en tête que les fonds doivent également investir alors ne sous-estimez pas vos besoins !” ajoute Jessie. 

Un conseil partagé également par Camille : “Je pense également qu’il ne faut pas non plus se précipiter à vouloir lever des fonds. Nous par exemple on a d’abord eu 3 ans d’activité en fonds propres. Cela nous a permis d’avoir un modèle bien rodé et donc une certaine crédibilité par la suite auprès des investisseur·es. Quant au montant, c’est important d’aller chercher ce dont on a exactement besoin mais n’ayez pas peur de demander un peu plus également. Cela permet par exemple de compenser le coût de la dilution.

Conseil n°2 : Développez votre réseau pour vous rendre visible auprès des investisseur·es

S’il y a bien un point sur lequel les 4 fondatrices s’accordent, c’est celui-ci.

Toute la Terre doit savoir que vous êtes en processus de levée de fonds. Multipliez les évènements, appelez d’autres connaissances dans l’entrepreneuriat pour en discuter, regardez les portefeuilles des fonds et contactez les autres entrepreneur·es pour essayer d’obtenir une introduction de leur part… De mon côté par exemple, j’ai rencontré la “partner” du fonds qui nous accompagne à un événement Roland Garros alors que j’étais enceinte !” nous raconte Jessie.

Il est vrai que sans introduction/recommandation, je n’ai quasiment eu aucune réponse. Et à la fois, quand on se lance, ce n’est pas forcément facile d’avoir directement un réseau. Mon conseil : n’hésitez pas à voir large ! Rejoignez des groupes d’entrepreneur·es ou des plateformes spécialisées (comme par exemple SISTA, France Digitale, la French Tech) pour mettre toutes les chances de votre côté” souligne Léonie. 

N’hésitez pas à utiliser la vitrine LinkedIn également qui est assez incroyable. De mon côté, j’avais fait un post qui avait fait le buzz sur le fait qu’il y avait peu d’investissements pour les femmes entrepreneures. Énormément de gens avaient commenté en donnant des contacts de fonds inclusifs etc. On a également été référencé parmi les 100 startups dans lesquelles investir dans Challenges et ça nous a donné un bon coup de visibilité” raconte Camille.

Conseil n°3 : Ne vous éparpillez pas et faites confiance à votre “feeling” pour choisir les investisseur·es qui vous ressemblent

Selon Christelle, afin de bien choisir les fonds ou Business Angels avec lesquels vous souhaitez avancer, il ne faut pas hésiter à aller fouiller leur thèse d’investissement et leur portefeuille : “Chez Alegria.group, on a fait le choix (pour le moment) de ne pas avoir de fonds au capital. On a actuellement 60 Business Angels au capital et nous avons fait en sorte qu’ils·elles aient une expertise particulière ou un réseau qui puissent nous apporter de la valeur ajoutée. Je recommande d’aller voir si le·la BA a déjà investi dans d’autres entreprises avant, et si oui, dans lesquelles pour voir si il·elle connaît ton secteur d’activité”. 

Et sur ce point Jessie est du même avis : “Cibler la terre entière ne sert à rien, il faut segmenter. De mon côté, j’avais identifié 40 fonds en Europe dont la thèse d’investissement matchait bien avec mes besoins puis j’en ai vu une quinzaine/vingtaine avant de finalement avancer vraiment avec 5/10 maximum. Ce qui a été déterminant dans le fonds que nous avons choisi ? Ce fut le seul qui a adhéré totalement à la mission et vision de Pickme. On s’est sentis vraiment soutenus. Côté Business Angel, là aussi j’ai suivi mon instinct : je me suis d’abord inspirée de listes puis j’ai regardé celles et ceux qui pouvaient amener un vrai plus à l’entreprise et qui collaient bien à ma façon de travailler”.

Pour vous aider à faire ce travail de segmentation, un·e leveur·e peut être utile. Notamment pour une deuxième levée de fonds car en seed il est recommandé de le faire par soi-même. C’est ce que nous avons fait avec FairlyMade et ça nous a fait gagner un temps fou pour filtrer. Ensuite autre conseil : lors de vos échanges avec des investisseur·es, demandez-leur les contacts d’entreprises de leur portefeuille. De cette manière, vous comprendrez mieux comment se passe la relation et cela vous aidera à choisir” explique Camille.

Une levée de fonds, ce n’est pas que de l’argent, c’est aussi une organisation du travail. Pour faire mon choix, j’ai misé sur la qualité des échanges, la bienveillance et la capacité des investisseur·es à comprendre mon projet et à me faire des retours pertinents. Par exemple, j’avais beaucoup avancé avec un fonds mais je le trouvais trop “pressurisant”. J’ai finalement fini par stopper la relation. Il est essentiel de faire confiance à votre ressenti et de ne pas dire oui parce que vous avez besoin d’argent. Gardez à l’esprit que la relation est réciproque avec les fonds : eux aussi ont de la chance de travailler avec vous” tient à mettre en avant Léonie

Conseil n°4 : Lors des pitchs, attisez la curiosité en jouant sur l’émotionnel et en adaptant le discours en fonction de l’interlocuteur·trice

La clef pour Christelle ? Réussir à créer du FOMO (Fear of missing out). “Ce que je veux dire à travers cette idée, c’est qu’il ne faut pas forcément tout dire à la première rencontre. Ciblez en quelques phrases des choses qui donneront envie à la personne en face de vous d’en savoir plus. Chez Alegria.group, nous avons deux présentations : une très courte avec peu d’informations, juste la vision et la mission. Et une autre avec beaucoup plus d’informations pour creuser.

Pour attiser la curiosité, il faut garder en tête qu’en face de vous, vous avez des humains. Orientez votre discours sur votre histoire, le “pourquoi” de votre startup et le marché possible. Les investisseur·es souhaitent soutenir des entreprises qui transforment les industries. Avec Pickme, je tournais donc mes pitchs autour du fait que l’on allait dépoussiérer le monde du transport. Selon moi, l’objectif du premier pitch c’est de toucher au cœur. Et pour cela, adaptez votre pitch à la thèse du fonds d’investissement de la personne que vous avez en face” précise Jessie. 

À la fin de ce premier pitch qui doit durer maximum une trentaine de minutes selon moi, je demandais une note d’investissement entre 1 à 10 pour piquer à chaud les investisseur·es. Celles et ceux qui mettaient 8/9, c’était plutôt positif pour avancer ensemble ensuite. 7, cela signifiait qu’ils·elles étaient plus frileux donc il n’y avait pas forcément besoin de les relancer. C’est un gain de temps pour trier en quelque sorte. Pour les pitchs qui viennent après, pensez à bien laisser du temps pour les questions/réponses car c’est ça la vraie valeur ajoutée” argumente Camille.

Autre conseil de Léonie à ce sujet : “N’hésitez pas à faire challenger votre pitch par d’autres entrepreneur·es à succès. C’est ce que j’ai fait et ça a porté ses fruits. J’avais également fait travailler une agence sur le design de notre présentation car il est important que les diapositives soient bien agencées pour être percutantes. La différence entre les deux levées de fonds que j’ai pu mener est que pour la première je vendais un potentiel alors que pour la seconde, j’ai raconté l’histoire “réussie” : via des metriques prouvant que nous pouvons passer à l’échelle”.

Bon à savoir : partager vos documents via des solutions type PDF viewer etc peut être judicieux pour vous permettre de savoir qui les regarde.

Conseil n°5 : Mettez à disposition une “data room” que vous actualisez régulièrement avec les indicateurs clefs qui font vivre votre structure

De mon côté, j’avais créé un espace sur Notion avec toutes les informations clefs (comme par exemple la liste de nos client·es ou nos KPI phares) et les questions que l’on me posait fréquemment. Après chaque pitch, je transférais ce Notion (actualisé au fur et à mesure). Je me suis rendue compte que c’est sur quoi les investisseur·es étaient le plus regardant” explique Léonie.

En effet, je pense qu’il est essentiel de faire une feuille de route avec des horizons afin de montrer qu’il y a une croissance et un marché (ou alors de l’impact si vous êtes une entreprise à impact). Chez nous par exemple, le métrique important est le nombre de “makers” dans la communauté et combien nous rapporte “un maker” indique Christelle.

Conseil n°6 : Entourez-vous pour être soutenu·e et conseillé·e

Pourquoi est-il essentiel de vous entourer ? Tout d’abord pour votre santé mentale comme l’explique Jessie : “Il faut se créer un premier cercle d’entrepreneur·es que vous pouvez appeler quand vous voulez. Cela va vous permettre de partager ce que vous vivez avec des personnes déjà passée·es par là et ça, pour le mental, sur la durée c’est essentiel.

Ensuite, car cela vous permettra de bénéficier de compétences clefs lors d’une levée et de vous rassurer. On pense notamment à un·e avocat·e pour les phases de négociations juridiques. “Ce sont des questions très épineuses donc se faire épauler est essentiel pour ne pas se sentir “lésé·e” dans les négociations. De mon côté, j’ai trouvé quelqu’un qui arrive à se mettre à mon niveau et à me faire comprendre les enjeux en m’expliquant simplement. J’ai également été aidée par mes investisseur·es déjà existant·es depuis notre première levée. En résumé, mon avocate a été d’une grande aide pour la négociation et tout le suivi juridique. Quant à mes investisseur·es existant·es, ces dernier·es ont été d’une grande aide pour créer le momentum et accélérer le closing” détaille Léonie. 

Conseil n°7 : Restez focus sur votre produit et pensez à toutes les autres sources de financement possibles

Une levée de fonds, c’est très prenant. Mais n’oubliez pas de privilégier votre produit et sa croissance car si vous ne faites pas avancer cette partie, lever des fonds sera difficile” mentionne Léonie.

Quand on a le nez dedans, on oublie parfois toutes les autres sources de financement possibles (subventions, financements participatifs etc). Par exemple, de notre côté, nous avons également fait une levée via Tudigo : une plateforme dans le domaine de l’investissement non coté. Je vous recommande donc de voir vos sources de financement dans leur globalité. Il est tout à fait possible de faire une très belle entreprise sans lever des fonds” conclut Christelle.

Une dernière citation venue tout droit d’Inde et que nous a partagé Léonie : “everything will be ok in the end, and if it’s not ok it’s not the end”. Bon courage à tous·tes !