
En tant qu’entrepreneur·e, la question de l’expansion à l’international se pose souvent. Pourquoi, comment et quand tenter l’aventure à l’étranger ? Est-ce le bon moment pour explorer de nouveaux horizons ?
Telles sont les questions abordées lors de notre dernière Inclusive Hour à travers les retours d’expériences de Matthieu Lavergne (partner chez Serena Capital), Alexandre Fretti, (co-CEO de Malt), Elise Erbs (CFO & Asset Management d’Electra), Benjamin Devienne (co-fondateur & CEO de Jam.gg), Laure Cohen (co-fondatrice de Certideal) et Virginie Vinson (COO à Le Wagon). L’occasion pour les entrepreneures accompagnées par SISTA de faire le plein de bons conseils afin de réussir l’internationalisation de leur startup. On vous partage les 5 points phares à retenir.
#1 - Bien réfléchir en amont à sa stratégie et se renseigner sur le(s) marché(s) le(s) plus porteur(s)
“Pour lever de l’argent il faut des arguments, et l’international est souvent un argument simple à mettre en avant auprès des investisseur·es. Il faut passer beaucoup de temps à étudier les marchés car le choix du premier pays est souvent clef” débute Alexandre Fretti. “Après avoir bien analysé où en était votre Product Market Fit (PMF) sur votre périmètre, il est également très important de se questionner sur la définition de l’international car ce n’est pas la même pour une boîte de software, fintech ou encore d’infrastructures. À cela, certains facteurs exogènes peuvent rentrer en compte (par exemple la présence de concurrents dans les pays cibles qui vont compliquer l’entrée). Enfin, des critères personnels peuvent aussi avoir un impact” complète Mathieu Lavergne.
Comme le soulignet les intervenant.es, il n’y a pas de chemin unique possible et l’international n’est pas toujours la solution à tout. La clef ? Passer du temps à étudier et rationaliser les raisons pour lesquelles on souhaite ouvrir tel ou tel pays (taille du marché potentiel mais aussi concurrents locaux, probabilité et simplicité de pénétration du marché, habitudes des consommateur·trices…). “Ce n’est pas forcément parce qu’un pays fait rêver que c’est forcément le bon. De notre côté, on pensait aux Etats-Unis au départ puis on s’est orientés vers l’Espagne car la pénétration semblait plus simple, il y avait moins de concurrents et davantage de ressemblances culturelles avec nous. Il est essentiel de baser vos décisions sur des critères mesurables et tangibles” complète Laure Cohen.
#2 - S’appuyer sur des acteurs institutionnels et s’entourer pour bénéficier de retours d’expérience
“N’hésitez pas à solliciter des instances comme BPI, French Founders, Business France, des incubateurs ou même des acteurs locaux car ils vous apporteront des conseils précieux sur certaines spécificités culturelles. Par exemple, pour Electra, on s’est beaucoup intéressés aux spécificités concernant les subventions dans tel ou tel pays” explique Elise Erbs.
Pour faire des choix éclairés, rien de mieux que de collecter des données et des renseignements de sources fiables sur votre secteur.
#3 - Définir une feuille de route et bien réfléchir aux recrutements et aux équipes déployées
Sur ce point, c’est Alexandre Fretti qui prend la parole : “Comment chercher vos promiers clients ? Comment gérer le marché ? Depuis la France à distance ou via des équipes/bureaux sur place ou encore via des partenaires locaux ? Quels objectifs vise-t-on dans 3 mois ? Dans 6 mois ? Ce sont des questions à vous poser pour y voir plus clair et mettre toutes les chances de votre côté.”
Là aussi, il n’y a pas un modèle parfait à répliquer mais une multitude d’options possibles.
Cependant, les différent·es intervenant·es s’accordent sur le fait qu’inclure des fondateur.trices, des C-Levels et/ou des personnes sénior de l’entreprise dès le départ dans le projet peut être un vrai facteur d’accélération car il·elles portent l’ADN de l’entreprise et savent la diffuser.
“De notre côté, dans chaque destination que nous avons ouvert, un C-level y est allé pour s’assurer d’une boucle directe. Et cela a été clef car on a râté plusieurs recrutements durant certaines ouvertures de pays, notamment par manque de connaissances culturelles. Avoir quelqu’un sur place permet de se dire «en fait on n’a pas recruté la bonne personne »” poursuit Alexandre Fretti.
Du côté de Certideal, la stratégie a été un peu différente : “Comme nous sommes une plateforme d’achat, nous avons la chance d’avoir des produits internationaux. On a donc d’abord traduit le site puis utilisé des méthodes de référencement naturel (SEO, presse, etc) avant de passer à des les campagnes payantes (comme google Adwords). Ensuite, une fois dans le pays, les Country Managers ont un rôle essentiel – tant pour assurer un contact direct avec la presse locale que pour travailler sur la notoriété de marque. Nous les formons en France et il·elles reviennent chaque mois pour s’imprégner et conserver la culture de la boîte” déclare Laure Cohen.
Quant au Wagon, bien que certaines villes aient été ouvertes en propre, c’est un modèle de franchises avec des équipes composées d’alumni passé·es par le Wagon qui a été privilégié en amont : “Comme il·elles ont baigné dans la culture d’entreprise, il·elles ont pu la transmettre. Ça a été une vraie clef de succès pour nous, ce qui nous a permis ensuite de lever des fonds puis de racheter les franchises” explique Virginie Vinson.
#4 - Adapter son produit et sa façon de communiquer au(x) marché(s) cible(s)
“On a fait beaucoup de deals avec le Japon et je ne maitrisais pas encore tous les codes d’intéraction de ce pays.. Une fois, on avait une réunion avec des Japonais très tôt le matin sur un point stratégique et je m’étais apprêté sur le haut du corps (comme c’était en visioconférence). 2h avant le meeting, je reçois un mail expliquant qu’il faut d’autres personnes car dans la culture japonaise, il très impoli de venir à 2. Résultat : je dois réveiller des employé·es à 5h du matin. Au final, l’appel se déroule bien et à la fin, je vois tous mes interlocuteur·trices se lever et saluer debout et j’ai essayé de faire de même sans montrer le bas.”
Sous ces airs d’anecdote, l’histoire de Benjamin Devienne est révélatrice de l’importance d’adapter son projet au marché cible mais aussi sa communication aux coutumes locales.
Assurez-vous que votre produit réponde aux habitudes de consommation mais aussi aux normes et à la règlementation en vigueur. Pour cela, faire des tests marchés ou encore mener des projets pilotes avec des partenaires locaux peuvent être des options judicieuses. C’est notamment ce qu’Elise Erbs a fait avec Electra via une joint-venture : “Cela nous a permis d’obtenir des labels qui nous ont donné de la crédibilité pour la suite et particulièrement pour la levée de fonds. Il ne faut pas hésiter à aller à la rencontre d’acteurs locaux pour partager des retours d’expérience et voir les possibilités d’action communes”.
#5 - Travailler sa culture d’entreprise pour l’internationaliser petit à petit
Qui dit implantation à l’international dit aussi évolution de votre culture d’entreprise pour qu’elle soit la plus représentative possible.
“Si on aspire vraiment à devenir une entreprise internationale, cela passe aussi par l’internationalisation du fonctionnement global de l’entreprise, des langues parlées dans les équipes ou encore le recrutement de personnes d’autres nationalités au sein du COMEX. Par exemple, chez Malt, la langue est passée à l’anglais dans toute l’entreprise et nous avons fait attention à ce qu’il n’y ait pas que des Français·es au COMEX : nous sommes 10 dont 6 Français·es et 4 internationaux” partage Alexandre Fretti.
“Sur ce sujet, le travail des RH a été colossal pour nous. Une sorte de bible a été établie en interne avec des concepts et des valeurs liés à la culture japonaise pour que tout le monde s’en imprègne” conclut Benjamin Devienne.
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Vous l’aurez compris : se déployer à l’international est un investissement à long terme qui nécessite beaucoup de réfléxions en amont, d’habileté organisationnelle ainsi que d’adaptation culturelle !